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Le Monde d’hier - ****


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mise en scène :

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horaires : du 22/04/2016 au 19/06/2016, 15h ou 19h

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La scène est barrée d’un rideau gris. Un passage vers les souvenirs ? Peut-être. Une chaise de bistrot. Un homme en par-dessus d’hiver entre et accroche son chapeau. Est-il en partance pour…

« Je n’ai jamais attaché à ma personne assez d’importance pour être tenté de raconter aux autres l’histoire de ma vie. II a fallu qu’il se passât beaucoup de choses, une somme d’événements, de catastrophes et d’épreuves telles que rarement génération d’homme en aura vécu de pareilles, pour me donner le courage de commencer un livre qui eût pour personnage principal ou, plus exactement, pour centre mon propre moi. »

Ainsi, commence le « Monde d’hier », ce récit envoyé à son éditeur par Stéphan Zweig la veille de son suicide au Brésil. Jérôme Kircher incarne l’esprit ce grand auteur juif germanophone – qui, chassé de l’Autriche par la montée du nazisme, se retrouva « suspect » en Angleterre du fait même de sa nationalité autrichienne – et nous récite ou lit des passages de ce « Monde d’hier ». Par sa mise vestimentaire de voyageur pauvre, à travers ses postures visant à la confidence et son intonation sombre et prenante, on entrevoit la détresse ultime de cet humaniste qui n’imaginait pas d’issue au conflit de la seconde guerre.

Et l’on suit les souvenirs d’abord joyeux du Zweig viennois de la Belle époque : l’agitation autour des cafés de la ville, la vie bourgeoise et heureuse, les grands artistes que l’on pouvait y croiser et l’impression qu’ils laissaient sur les passants par leurs attitudes amicales ; la joie de recevoir un exemplaire de son premier livre ; sa visite chez Rodin où il comprit que l’art est patience ; ses amitiés avec Rilke, Romain Rolland, Freud, Valéry, Verhaeren ou encore Strauss.

Puis, il nous livre une fine analyse de ce qu’il appelle « l’échec de la civilisation » : la montée du nationalisme au sortir de la première guerre mondiale.

« Cela reste une loi inéluctable de l’histoire : elle défend précisément aux contemporains de reconnaître dès leurs premiers commencements les grands mouvements qui déterminent leur époque. »

Il nous explique les mécanismes graduels qui ont permis au nazisme de prendre le pouvoir par la restriction progressive des libertés jusqu’à la mise en place de l’antisémitisme d’Etat. Ainsi, nous dit-il comment « personne ne pensait que le mouvement de ce petit caporal deviendrait un réel danger », comment Hitler a fait des promesses à tout le monde et enfin, comment la population et les élites l’ont cru. Et les souvenirs se font durs quand les attaques du nazisme s’accélèrent, que les amis de Zweig refusent de le rencontrer en public et qu’on pense attenter à sa vie, le forçant à l’exil.

Et il conclut : « Mais toute ombre, en dernier lieu, est pourtant aussi fille de la lumière et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur et la décadence a vraiment vécu. »

Ecrit le 19 avril 2016 dans les catégories À ne pas manquer !, Seul(e) en scène

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