Le cancre - ****
mise en scène : Bernard Crombey
lieu : Théâtre Le Lucernaire
horaires : jusqu'au 21/05/2016, à 21h
Voir sur : site du théatre
avec : Bernard Crombey
« Enfant de bourgeoisie d’Etat, issu d’une famille aimante, sans conflit, entouré d’adultes responsables qui m’aidaient à faire mes devoirs… Père polytechnicien, mère au foyer, pas de divorce, pas d’alcooliques, pas de caractériels, pas de tares héréditaires, trois frères bacheliers (des matheux, bientôt deux ingénieurs et un officier), rythme familial régulier, nourriture saine, bibliothèque à la maison, culture ambiante conforme au milieu et à l’époque (père et mère nés avant 1914) : peinture jusqu’aux impressionnistes, poésie jusqu’à Mallarmé, musique jusqu’à Debussy, romans russes, l’inévitable période Teilhard de Chardin, Joyce et Cioran pour toute audace… Propos de table calmes, rieurs et cultivés.
Et pourtant, un cancre. »
Ainsi, Bernard Crombey, livre à la main, se met dans la peau d’un cancre. Du cancre de Chagrin d’école et Comme un roman de Daniel Pennac. Du cancre Daniel Pennac.
« Fermé à l’arithmétique d’abord, aux mathématiques ensuite, profondément dysorthographique, rétif à la mémorisation des dates et à la localisation des lieux géographiques, inapte à l’apprentissage des langues étrangères, réputé paresseux (leçons non apprises, travail non fait), je rapportais à la maison des résultats pitoyables que ne rachetaient ni la musique ni le sport ni d’ailleurs aucune activité parascolaire. »
La peau du cancre. Le cancre qui ne comprenait pas les leçons ou si lentement; le cancre qui passait deux heures par jour en étude à tenter de retenir ses leçons ; le cancre qui n’y arrivait pas ; le cancre qu’on accuse de faire « exprès » ; le cancre angoissé qui voulait se faire remarquer et se faire aimer ; le cancre dernier d’une fratrie de quatre « premiers de la classe » ; le cancre qui eut moins trente-huit à une dictée ; le cancre à l’imagination pourtant débordante d’histoires; le cancre à qui un professeur de Français, remarquant son talent, au lieu de le sanctionner, lui offrit un dictionnaire et lui donna comme devoir d’écrire un roman, à raison d’un chapitre par semaine ; le cancre qui prit goût à l’orthographe et à l’écriture ; le cancre qui croisa le chemin d’un professeur de Maths – qui croyait aux extra-terrestres – et d’un professeur de Philo – qui trouvait ses dissertations trop pléthoriques ; le cancre que ces trois professeurs ont su accompagner, aider, attendre et qui lui ont donner des cours particuliers ; le cancre à qui on a appris à aimer apprendre.
Le cancre qui, finalement lancé, passa son bac, son Capes et son Agrég. Et qui se retrouva professeur dans un institut pour élèves en échec. Puis qui fût, pendant 20 ans, un professeur qui comprenait les cancres, voulait les aider, les écouter, leur donner le goût de la lecture et du savoir. Celui qui connaissait leur mal de cancre et pouvait leur faire « apprendre » des choses, car il savait, lui, comment il avait été repêché.
Et enfin, le cancre qui devint écrivain, pour raconter des histoires et transmettre son expérience, encore et encore. L’écrivain, qui fut enfin reconnu et applaudit par ses parents et par le monde.
Dans le décor d’une classe – six chaises, un pupitre, à nouveau six chaises. Avec les mots si fins, drôles, justes et intelligents de Daniel Pennac, Bernard Crombey – accompagné de son cartable – nous plonge, avec une certaine malice, dans les souvenirs d’une vie passée à enseigner, dans une vie dédiée à l’éducation de jeunes élèves, vue, revue et corrigée par un « mauvais élève » qui sera un « bon professeur » !
Une ode à l’espoir pour les uns [préciser, par exemple : Une ode à l’espoir pour les uns, une ode à l’écoute et à l’empathie pour les autres ! Une invitation à la lecture, quel que soit le biais par lequel on y accède ! Et un hommage à ces « professeurs hors norme », que, nous dit-il, on ne cite que rarement, mais qui sont ceux qui ont le vrai don de « savoir transmettre » !